Merci à Didier qui m'a offert ce merveilleux monogramme Berliet !
GLA - GAK : le changement dans la continuité
Depuis 1949 (avec les GLA 5 diesel et GLA 19 à essence) et 1950 (GLB 5 et 19), Berliet a investi la tranche de tonnage de 7,5 à 10 t de PTC. Ces modèles connaissent un franc succès. Développés à la fin du Plan Pons avec des organes repris à moindre frais dans la gamme d'avant-guerre (boîte, essieu, pont), ces petits camions reçoivent un nouveau quatre cylindres diesel 110 x 130 mm type MDJ, développant 75 puis 80 ch à 2200 tr/min (du MDJ au MDY22). Le moteur essence en est directement extrapolé. Equipés d'une cabine en tôle sur armature bois, une conception devenue désuète, et équipés de mécaniques plus robustes que brillantes, ils sont tout juste "dans le coup" à la fin des années cinquante.
1958 est l'année du bond dans le temps. La nouvelle cabine "Relaxe" présentée en octobre cette année-là rompt avec le style austère et sobre des fabrications précédentes. Sans proposer une débauche de luxe et d'accessoires, elle propose un confort de bon aloi digne des meilleures réalisations du moment. Revêtements capitonnés, ensemble de compteurs à la lisibilité améliorée, monté sur tableau de bord et non plus sur la colonne de direction, levier de vitesses sortant de la planche de bord, l'habitacle est aussi plus lumineux grâce à une surface vitrée plus importante (2,45 m2) et l'adoption de teintes claires et joyeuses : jaune, vert, bleu, rouge. Cette cabine avancée moderne est progressivement généralisée à la gamme Berliet. Celui qui s'apprête à succéder au GLA 5 R prendra le nom de GAK 5 en recevant la cabine Relaxe.
La nouvelle cabine en tôle emboutie et mécano-soudée offre une bien meilleure résistance, y compris aux chocs, elle est plus sécuritaire. Le conducteur est mieux isolé des nuisances du moteur par un capot intérieur étanche, et l'accès est facile avec de larges portes s'ouvrant à plus de 120° vers l'avant. Les contrôles journaliers sont facilités par une calandre "placard" et un obturateur permettant l'accès direct au bouchon de radiateur.
Le GAK 5 est présenté au PTC de 9,3 t comme son prédécesseur le GLA 5 R. Sa dénomination en reprend le A désignant la "classe de poids" la plus basse chez Berliet et le K désignant avant-guerre les modèles à cabine avancée. Le GAK 5 R lui est quasi-identique et l'épaule avec un PTC de 10,5 tonnes (proche du GLB 5 R).
Le GAK 5 est commercialisé dès sa sortie avec une ultime évolution du MDY qui, devenant le M410 en adoptant l'injection directe "M" Magic, passe de 85 ch à 100 ch à 2400 tr/min. Les GAK 5 et GAK 5 R sont d'excellents véhicules confortablement dimensionnés : il en résulte un poids à vide un peu élevé avec 3450 kg pour le châssis-cabine. Pour développer une gamme bien échelonnée et renforcer sa position commerciale sur les petits modèles (un marché prometteur à l'orée des années soixante), il faut à Berliet un modèle plus léger, moins cher, or il n'existe dans la production Berliet, qui va de 100 ch à 320 ch, aucun moteur plus petit que le M410.
Citroën | 55UDI | 24.787 F | 9,300 t |
OM | Tigrotto * | < 25.000 F | 7,000 t |
Berliet | GAK 4 * | 25.000 F | 7,500 t |
Unic | MZU34 | 26.200 F | 8,000 t |
Unic | ZU37 | 27.890 F | 8,285 t |
Latil | H14A1B5 * | 29.255 F | 11,000 t |
Unic | MZU35 | 29.880 F | 9,500 t |
Berliet | GAK 5 * | 30.277 F | 9,300 t |
Unic | ZU42 | 30.600 F | 9,370 t |
Unic | MZU36 | 33.140 F | 10,500 t |
Unic | ZU47 | 33.190 F | 10,450 t |
Berliet | GAK 5 R * | 35.000 F | 10,500 t |
Il y a en effet une place pour un modèle, une mini-gamme, même, qui couvrirait le segment des 7,5 t à 10,5 t, avec des camions légers (car dimensionnés avec justesse), qui soient rapides (pour s'adresser entre autres aux messageries et aux artisans transporteurs) et avec un tarif attractif. La concurrence en 1959-1960 est encore peu active sur ce secteur; Latil est moribond et la future gamme Saviem ne proposera pas de modèle compétitif avant plusieurs années, Fiat n'a pas encore significativement percé, Citroën ne propose qu'un modèle à cabine normale au détriment de la surface de chargement, les Unic sont robustes mais issus d'une stratégie encore maladroite avec des modèles à capot trop gros et des modèles à cabine avancée Genève destinés à répondre tant bien que mal à la demande en attendant la nouvelle gamme, alors que les marques allemandes sont pénalisées par leurs prix excessifs. Dans ce contexte, les GAK 5 et GAK 5 R sont soit trop lourds, soit trop chers. Il existe une place toute faite pour le nouveau-né : le GAK 4.
Il se doit d'être compétitif et affiche un prix à la barrière psychologique des 25.000 F tout rond.
Ci-contre -
Tableau synthétique de la concurrence en 1960, à prix ou poids similaires.
(*) pour les modèles à cabine avancée - Source "Le catalogue des catalogues"
GAK 4 - GAK 5 - GAK 50 - GAK 55 - GAK 60 - GAK 65 - GAK 70 : la fratrie turbulente
Le GAK 4 vient compléter la gamme par le bas et deux options s'offrent alors à Berliet pour l'animer : faire appel à un fournisseur extérieur ou développer un nouveau groupe maison, plus léger et plus nerveux. Pour des questions de coûts de développement et de délai, Berliet choisit de se fournir chez l'anglais Perkins. Le groupe retenu n'est pas révolutionnaire mais il est parfaitement inscrit dans les standards de son époque et déjà commercialisé à des milliers d'exemplaires. Ce sera le P6V (qui évoluera en 6 PF 288), 88,9 x 127 mm, cylindrée 4,7 litres, développant 83 ch à 2400 tr/min.
pour compléter le GAK 5 R, zkjdzcqzuvq
Une publicité présente timidement le tout nouveau GAK 4. Châssis optimisé, boîte 4 vitesses type HBJ8A héritée directement des GLA, essieu avant (HSH) et pont arrière arrière simplifiés. Le pont HPH à simple réduction, disponible en couple 7x36 (de série) ou 6x37 (sur demande) autorise une vitesse maximale de 76,6 km/h (respectivement 68,7 km/h). La monte en pneumatiques, des 7.00 x 20, est réduite de plus d'une taille par rapport au GLA. Les freins sont hydrauliques avec assistance à dépression Hydrovac, et la présentation est dépouillée : pas de frise en aluminium sur la face avant de la cabine, pas de monogrammes latéraux, pare-chocs avant simplifié, inspiré de celui des GLA/GLB, qui n'intègre ni phares ni avertisseurs comme sur les autres cabines Relaxe. De minimalistes phares ronds sont rapportés dans des logement rivetés à même la face avant ! La simplification et l'allègement se poursuivent à l'intérieur, avec un traditionnel levier de vitesses venant de l'arrière comme sur les GLA, directement "planté" dans la boîte, et non plus intégré à la planche de bord.
Exit le tableau de bord très complet des GAK 5, le GAK 4 se contentera d'un seul cadran multifonctions (vitesse, voyant de charge, de niveau de liquide de freins, de température d'eau et de pression d'huile), pas d'indicateur pour le niveau de carburant ni de dépression du système de freinage. A cela s'ajoutent quelques tirettes et interrupteurs, l'inventaire est rapide. L'objectif est néanmoins atteint : avec 2585 kg sur la balance pour le châssis normal, le GAK 4 pèse à vide près d'une tonne de moins que le GAK 5. Son PTC est de 7,5 t et le moteur, donné pour 80 ou 83 ch suivant les sources et les époques, suffit largement pour emmener ce poids plume. Il est disponible en trois empattements, N (2,80 m), L (3,40 m) et XL (4 m). Dépouillé à l'extrême, perdant une partie du charme de la cabine Relaxe, avec un moteur importé, ne se trouvant pas dans une gamme de tonnage que les routiers considèrent, à l'époque, comme celle des "vrais" poids lourds, cet inédit hybride est-il un "vrai" Berliet ? Quoi qu'il en soit il occupe le marché et sera bientôt rejoint par une mini-gamme.
Le GAK 4 trouve vite son marché mais ne reste pas longtemps au catalogue et pas longtemps seul non plus. Pour combler la plage de tonnage visée, Berliet fait évoluer à la rentrée 1963 le GAK 4 en GAK 50, pour 50 quintaux de charge totale (la charge totale est celle de la carrosserie et du chargement), grâce à l'élévation du PTC d'une tonne à 8,5 t. Le moteur passe à 89 ch à 2600 tr/min, la monte en pneumatiques 7.00 x 20 des GAK 4 cède la place à une monte en 8.00 x 19,5 XT, plus moderne et permettant d'encaisser la charge supplémentaire.
Les améliorations ne sont que quelques améliorations de détail et le GAK 50 côtoie les GAK 5 et GAK 5 R qui poursuivent leur carrière avec le M410 pour un an seulement. En 1964, l'effet de gamme est renforcé par des nouveaux modèles. Les GAK 5 et 5 R disparaissent au profit des GAK 60 (10,5 t de PTC) et GAK 65 (10,95 t, juste au-dessous du seuil de la licence B, 11 t) qui reçoivent tous deux le nouveau moteur rapide et nerveux M420.30, 4 cylindres, 120 x 130 mm, développant 120 ch à 2600 tr/min.
Les ventes de ceux qui devaient remplacer la famille GAK, les Stradair, ralentissant dès 1967, après un pic en 1966, sont lancées à la hâte de nouvelles versions ayant la lourde responsabilité d'occuper le terrain et de garder la clientèle que les problèmes de fiabilité du nouveau modèle auraient pu faire fuir.
année |
GAK 4 7,5 t |
GAK 50 8,5 t |
GAK 55 10 t |
GAK 60 10,5 t |
GAK 60C 10,95 t |
GAK 65 10,95 t |
GAK 70 11,5 t |
A-M. 1961 | AN1 | ||||||
A-M. 1962 | AN785 | ||||||
01/01/1963 | AN1.261 | ||||||
01/01/1964 |
|
AT378 | AP1 | AV5 | |||
01/01/1965 | AT1.216 | AP678 | AV494 | ||||
01/01/1966 | AT1.810 | AP1.233 | AV1.180 | ||||
01/01/1967 | AT2.173 | AP1.836 | AV1.834 | AVB242 | |||
01/01/1968 | AT2.570 | AP2.233 | AV2.329 | AVB474 | |||
01/01/1969 | AT2.890 | APK133 | AP2.440 | APL127 | AV2.656 | AVB707 | |
01/01/1970 | AT2.990 | AP2.659 | APL357 | AV3.079 | AVB963 | ||
01/01/1971 | AP2.736 | APL489 | AV3.294 | AVB1.059 |
Numéros de châssis de la famille légère GAK hors versions spéciales
- Source "Le catalogue des catalogues", Editions Lefèvre
La gamme s'étoffe alors en 1967 d'un GAK 70 musclé à 11,5 t de PTC et les Stradair 20 puis 20A sont soutenus par un GAK 55 de même PTC, 10 t. Ce dernier est une sorte de GAK 60 détaré et ne partage pas la conception minimaliste du binôme GAK 4 - GAK 50. Dans le même temps, des versions spécifiques grossissent les rangs, pour des usages Voirie par exemple (GAK 60 V), tandis que les tracteurs de série type TAK, tout comme les GAK à essence, constituent à eux seuls des gammes parallèles qui perdureront jusque fin 1974 (tracteurs).
du neuf et de l'ancien...
Au milieu des années soixante, Berliet a consenti de gros efforts et de lourds investissements pour sa révolutionnaire gamme Stradair, un développement qui ne s'est pas fait sans mal. Aussi, la maison lyonnaise en commence le déploiement pour le rentabiliser. Le Stradair (tout court) de 9 t de PTC est commercialisé dès 1965, puis s'ajoutent pour 1966 les Stradair 05 (5,99 t), Stradair 10 (8 t), 20 (9 t) et 30 (10 t). En 1967 c'est le Stradair 40 de 10,99 t qui est ajouté à la gamme qui ambitionne désormais de remplacer les GAK. La stratégie s'avère peu payante. Bien qu'ayant d'indéniables qualités de confort grâce à sa suspension mixte pneumatique-ressorts à lames, le Stradair souffre d'un porte-à-faux avant élevé desservant sa maniabilité, et sa modernité ne suffit pas à faire accepter son prix (29.664 F pour un Stradair 05 de 5,99 t contre 30.624 F pour le GAK 50 de 8,5 t et 33.504 F pour le Stradair 20 A de 9 t). La création des "Zones Bleues" limitant l'accès aux centres villes aux véhicules d'une surface au sol inférieure à 14 m2 défavorise les ventes des Stradair à l'imposant porte-à-faux-avant, ceci bien qu'il a été réduit de 17 cm sur les versions A commercialisées dès 1967. Les GAK demeurent donc en production et les chiffres montrent qu'ils se vendent très bien.
En parallèle, la cabine des Stradair est complètement repensée, tout en conservant le maximum d'éléments communs ou similaires pour limiter les nouveaux investissements et cela conduit à la présentation en 1968 des premiers Berliet à cabine "K", qui est cette fois une vraie cabine avancée. La réunion des activités poids lourds de Citroën et de Berliet amène, en 1969, la présentation conjointe d'une nouvelle gamme de camions très rationnelle. On prend les meilleurs éléments (châssis, moteurs, boîtes, essieux et ponts) que l'on habille avec la nouvelle cabine K. Apparaissent, à partir de mars 1969, les 350K (5,99 t), 450K (6,99 t), 480K (7,5 t) et 10K (8,3 t), 20K (9 t), 30K (10 t), le 770K de 10,99 t coiffant la classe de tonnage.
En ce qui concerne le GAK 4 en particulier, c'est bien le très raisonnable mais très efficace Berliet (d'inspiration Citroën) 480K de 7,5 t de PTC équipé, lui aussi, d'un moteur Perkins (le moderne 4.236 de 80 ch à 2800 tr/min) qui le remplacera.
L'essentiel de la famille GAK disparaît en 1971 (les derniers Stradair en décembre 1970) mais deux modèles, destinés à la voirie (GAK 60 V) et aux corps de Sapeurs-Pompiers (GAK 20 H2) seront commercialisés jusqu'en 1972, un an et demi environ après les derniers Stradair. Pour faire son choix fin 1969 début 1970, le client potentiel a un panel de quatre cabines différentes : la cabine N Citroën ou la cabine K badgée Citroën, et les cabines Relaxe, Stradair ou K chez Berliet. Exemple sur le segment 7,5 t - 8,5 t : les 480N - 480K chez Citroën (7,5 t, moteur Perkins 4.236) et les Berliet GAK 50 (8,5 t, moteur 6PF288), Stradair 10 (8 t, moteur M420.30), 480K (7,5 t, moteur 4.236) et 10K (8,3 t, moteur M420.30). Du jamais vu !
Débarrassée rapidement des doublons puis des avatars Citroën, la famille K assurera la relève avec un succès qui ne se démentira pas jusqu'en 1979. Mais ceci est une autre histoire...